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Jooneed KHAN: Tunisie, l’Etat policier


 

 

La Presse de Montréal
10 novembre 1998 

L’Etat policier

10 novembre 1998
Jooneed KHAN

Le Général Zine El Abidine Ben Ali a marqué le onzième anniversaire de son coup d’Etat contre le président Habib Bourguiba en offrant son « pardon » à « certains détenus » politiques qui voudront bien en faire la demande et en promettant d’autoriser des opposants à lui disputer la présidence aux élections prévues l’an prochain.
De tels élans proviennent en fait de l’arsenal d’artifices que déploie de manière systématique le régime de Tunis pour soigner son image de modération à l’étranger, en maintenant à l’intérieur un Etat policier exemplaire et totalitaire.
C’est ce qui ressort d’un
« Ben Ali suscita beaucoup d’espoir en 1987 en proclamant que les Tunisiens étaient majeurs, mais ces espoirs s’envolèrent en 1989 quand son parti s’appropria tous les sièges aux élections », a dit Manaï, qui s’était présenté comme indépendant. Mal lui en prit car rentré au pays en 1991 pour le Ramadhan, Manaï fut arrêté, emprisonné et torturé pendant deux semaines avant d’être expulsé sous la clameur des protestations à l’étranger.
Tunis prit sa famille en otage et c’est de peine et de misère qu’il organisa leur fuite en France, où Manaï fut agressé deux fois, en 1996 et 1997, agressions dont il porte les cicatrices. « Les 9 millions de tunisiens vivent dans la peur, pas seulement au pays mais à 10.000 km de là » a dit l’auteur du livre « Supplice tunisien, le jardin secret du général Ben Ali »( La Découverte, 1995), préfacé par le Français Gilles Perrault.
Après le scrutin de 1989, le régime déclencha une impitoyable répression contre les islamistes de Al-Nahda mais aussi contre les démocrates laïcisant et les militantes féministes. En 1994, Ben Ali fit arrêter Moncef Marzouki, ancien président de la ligue des droits, qui s’était porté candidat à la présidence, mais il accorda aux opposants 19 sièges au Parlement. « Pourquoi 19 ? Parce qu’il faut être 20 pour contrôler une commission », a dit Manaï.
Pour la professeure Lise Garon, auteur de « Le Silence tunisien,

Les Alliances dangereuses au Maghreb », le succès du régime Ben Ali, tient en grande partie à la propagande systématique qu’il mène à l’étranger pour soigner l’image de la Tunisie comme havre de paix dans une région tourmentée, pays des droits, paradis du tourisme, partenaire de la Communauté européenne et élève modèle du FMI et de la Banque mondiale.
« Au début des années 1990, je fus moi- même éprise du discours des opposants démocrates et laïcs qui défendaient alors Ben Ali comme le rempart contre la menace islamiste », a- t –elle confié. « Mais Ben Ali s’est ensuite retourné contre ces démocrates et contre les féministes », a ajouté Mme Garon, qui a dénoncé ce qu’elle appelle « la rente islamiste », c’est à dire l’épouvantail dont se servent les régimes arabes pour se perpétuer au-delà de la Guerre froide. « Les dissidents de l’ex-URSS étaient nos amis, mais ceux des régimes arabes sont totalement oubliés », a-t-elle constaté.
Ben Ali s’est fait élire et réélire « triomphalement » en 1989 et 1994. Il a annoncé qu’il entend briguer en 1999 un troisième mandat de cinq ans. Le secrétariat d’Etat US notait en 1996 que « le parti de Ben Ali et ses prédécesseurs directs ont monopolisé le pouvoir depuis 1956 en Tunisie », ajoutant que « la capacité des tunisiens de changer de gouvernement par des moyens démocratiques reste à démontrer ».
« L’accord de partenariat avec l’Europe a accéléré la destruction de l’économie tunisienne, les investissements étrangers obligent des milliers de PME à fermer ou les contraignent à la faillite, les ouvriers sont mis à pied par dizaines de milliers, des « boat- people » tunisiens sont refoulés d’Italie et de Sicile, une grande explosion sociale se prépare en Tunisie », a averti Mme Garon.
Amnesty International dénonçait, pas plus longtemps que la semaine dernière, l’acharnement du régime Ben Ali à noircir ses opposants, en allant jusqu’à diffuser des montages photo et vidéo pour les discréditer. AI mentionnait le cas de Marzouki, mais aussi ceux de Khemaïs Ksila, de la ligue des droits, de Mohamed Moada, du principal parti d’opposition MDS, de l’avocat Néjib Hosni et des avocates Radhia Nasraoui et Najette Yakoubi.
Michel Frenette, chef de la section Canadienne- francophone d’AI, soulignait de son côté que le régime, dont l’arsenal policier s’étend aux télécommunications et à l’internet, avait bloqué l’accès en Tunisie des sites Web d’AI et d’autres organisations de droits, et cére des sites bidon sous le nom d’Amnesty pour diffuser sa propre propagande.
J.K.

10 novembre 1998
Jooneed KHAN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec la professeure Lise Garon., de l’Université Laval.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec Jamel Jani et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec Fathi Belhadj