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Tunisie : Pouvoir, police et terrorisme, les racines du mal


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Tunisie : Pouvoir, police et terrorisme, les racines du mal.

Par Abdelaziz Belkhoja

Tunis le 02/07/2015

 

Aucune des décisions prises après l’attentat du Bardo n’a été appliquée, d’où l’incroyable « réussite » de l’attentat de Sousse où le terroriste n’a été éliminé qu’après 35 minutes de carnage. Devant tant d’incompétence, tout le monde s’attendait à de nouvelles nominations susceptibles de hisser le niveau sécuritaire du pays. Or les autorités ont préféré garder en l’état une hiérarchie qui s’est illustrée, depuis 2011, par ses nominations indues, sa politisation à outrance et surtout son incompétence manifeste.

Tunisie : Pouvoir, police et terrorisme, les racines du mal.

Par Abdelaziz Belkhoja

Tunis le 02/07/2015

Aucune des décisions prises après l’attentat du Bardo n’a été appliquée, d’où l’incroyable « réussite » de l’attentat de Sousse où le terroriste n’a été éliminé qu’après 35 minutes de carnage. Devant tant d’incompétence, tout le monde s’attendait à de nouvelles nominations susceptibles de hisser le niveau sécuritaire du pays. Or les autorités ont préféré garder en l’état une hiérarchie qui s’est illustrée, depuis 2011, par ses nominations indues, sa politisation à outrance et surtout son incompétence manifeste.
Après le 14 janvier, les cadres du ministère de l’Intérieur n’ont été désignés ni en raison de leurs compétences ni de leur CV et encore moins de leur carrière. L’exemple le plus parlant à ce niveau est celui de fonctionnaires auparavant chargés de la paperasse et qui sont aujourd’hui à la tête de services particulièrement stratégiques qui exigent les plus grandes compétences technologiques. Un autre exemple, peut-être plus grave encore, est celui concernant le poste le plus important de la hiérarchie policière, celui du Directeur Général de la police Nationale, véritable coordonnateur de toutes les Directions générales et force de frappe essentielle de la lutte contre le terrorisme. Le poste a été tout bonnement supprimé avant l’attentat du Bardo. C’est comme si, en pleine guerre, l’armée supprimait le poste de Chef d’état-major ! L’autre terrible mal qui frappe notre police, ce sont les allégeances. Avant le 14 janvier, la plupart des directeurs de la police avaient chacun son protecteur. Soit à la présidence, soit chez les proches du président, soit au parti, soit chez les hommes d’affaires. Après le 14 janvier, la dépendance s’est tout simplement adaptée et les cadres de la police sont devenus dépendants soit des partis politiques soit des syndicats de police soit des lobbyistes. Très rares sont les indépendants. Mais ils existent. Ce sont eux qui peuvent garantir l’honnêteté et l’indépendance de la police or, rien n’a été fait au niveau politique pour promouvoir ce modèle du cadre supérieur qui défend la Sûreté Nationale et non des organisations ou des individus.
En 2012, lorsque Ghannouchi a été surpris dans une vidéo confiant, à l’oreille des chefs salafistes que « l’armée n’est pas garantie », peu d’observateurs ont relevé que ça impliquait que le ministère de l’Intérieur, lui, était garanti. Ali Laarayedh, le ministre de l’Intérieur d’Ennahdha, qui s’est illustré comme protecteur de la mouvance terroriste, ne serait-ce qu’en exfiltrant Abou Yadh, alors que la police l’encerclait, a complètement phagocyté le ministère de l’Intérieur, en remplaçant les cadres existants par ses propres affidés. Aujourd’hui, ce sont toujours les inconditionnels de son parti qui ont la haute main sur les services les plus stratégiques de la Sureté Nationale tunisienne et même sur les antennes de nos Renseignements Généraux à l’étranger. Il y a deux conséquences à cet état de fait : la première est qu’au lieu de travailler pour la Sûreté nationale, la police s’occupe de défendre des intérêts partisans et leurs objectifs très troubles. La seconde est que la majorité des fonctionnaires mis à la tête de la Sureté nationale ont des aptitudes professionnelles et des qualités intellectuelles bien en deçà du niveau requis par les missions d’une police nationale, surtout dans les circonstances exceptionnelles que vit notre pays. Le résultat ne s’est pas fait longtemps attendre : une véritable catastrophe sécuritaire qui a débuté en 2012 et dont les fruits amers arrivent à maturité aujourd’hui. Il y a une autre conséquence à cet état de fait dont on commence à saisir la haute gravité et qui concerne l’action rédhibitoire de ces policiers dans toutes les enquêtes sur les assassinats politiques et même les attaques contre l’armée. Ce sont eux aussi qui protègent le secret des mouvements de fonds et des armes. Plus encore, ce sont eux qui protègent les trafiquants et les corrompus qu’ils taxent au passage pour leur compte et celui de leurs protecteurs. Le « changement » opéré après la fronde populaire de 2013 et le Bardo et qui a vu le Dialogue National mettre à la tête du gouvernement Mehdi Jomaa, s’est révélé être un leurre puisque son ministre de l’Intérieur, Ben Jeddou, n’a fait qu’assurer la continuité du système mis en place par Laarayedh. Malgré la victoire d’une nouvelle majorité en 2014-2015, rien n’a changé. Pourquoi ? Parce que Béji Caïd Essebsi et Ghannouchi s’étaient entendus depuis 2013 pour ne rien changer à la donne. En quoi consistait l’arrangement ?

Ghannouchi gouverne alors que Béji Caïd Essebsi préside

Ghannouchi devait gouverner et Béji Caïd Essebsi présider. Or, les Tunisiens ont fait gagner Nida aux législatives, ce qui a complètement bouleversé les plans! Mais Béji Caïd Essebsi, élu, est resté fidèle à son engagement avec Ghannouchi : il ne touchera pas aux 200 000 fonctionnaires nommés par la Troika, il assurera une transition douce, et, pour couper l’herbe sous le pied de Nida, ils nommeront ensemble un Chef de gouvernement qui n’est qu’un simple exécutant : Habib Essid. Au stratégique ministère de l’Intérieur, ils désigneront un ersatz de Ben Jeddou : Nejem Gharsali, qui ne fait qu’assurer la continuité du sytème policier dépendant et incompétent mis en place par Laarayedh. L’affaire de la suppression du poste de « Directeur Général de la Sureté Nationale » le prouve. Le vrai mystère reste Béji Caïd Essebsi qui, en nommant un chef de gouvernement de compromis, a poursuivi le délabrement de l’Etat, tracé un trait sur toutes les responsabilités et enfoncé le pays dans la crise, sauvant ainsi Ennahdha d’un dépérissement certain. Pire encore, Béji Caïd Essebsi, chantre de l’Indépendance et de la souveraineté de la Tunisie, a abandonné celle-ci dans les bras du complexe Qatar-Otan. Il ne faut pas oublier qu’en 2011, Béji Caïd Essebsi chef du gouvernement, s’est secrètement rendu complice de l’attaque de l’OTAN contre la Libye en facilitant le passage des armes et des combattants par le territoire tunisien. Est-il, de ce fait, devenu l’otage de cette organisation ? Nous ne le savons pas, mais une fois élu président, Béji Caïd Essebsi a été à Washington et a fait de la Tunisie un « allié des USA non membre de l’Otan » – ce qui, à la base, n’est pas répréhensible. Mais ce qui l’est, c’est qu’au lieu de rééquilibrer par ailleurs la position du pays en se rapprochant – également – de la puissante Russie et de la richissime Chine, Béji Caïd Essebsi a au contraire lancé à la Russie un signe troublant en chargeant son envoyé spécial, Mohsen Marzouk – dont tout le monde sait la proximité avec le Qatar – de rencontrer Poutine. En somme, Béji Caïd Essebsi, en quelques mois, a rendu la Tunisie encore plus fragile que jamais, encore plus dépendante que jamais. Le bloc progressiste est encore plus éclaté – par la division de Nida – alors que le pays est en proie au terrorisme et à au délabrement de l’Etat. Si Béji Caïd Essebsi voulait livrer la Tunisie à Rached Ghannouchi, il n’aurait pas fait autrement. On se demande où est le prestige de l’Etat, principal leitmotiv du candidat Essebsi. On se demande où est la défense de la Tunisianité quand tous les actes du président jouent en faveur de ses ennemis.

Abdelaziz Belkhoja

5 commentaires sur “Tunisie : Pouvoir, police et terrorisme, les racines du mal

  1. On ne saurait mieux exprimer la situation. Le diagnostique est là implacable, glaçant…mais quelle est la solution qui nous permettrait de nous extirper de cette faillite tout horizon qui semble inéluctable, sauf miracle, en l’état actuelle des choses?

    Le problème est notamment l »irresponsabilité politique » de ce gouvernement qui installe une forme de déni des problèmes et des enjeux auxquels est confrontée la Tunisie!
    A cet égard, « Répondant à un statut fb, j »écrivais :
    ≪ Il parait que la Tunisie est une démocratie…or, l’un des corollaires de la démocratie est « la responsabilité politique » qui induit d’avoir des obligations à respecter et des devoirs envers les citoyens: l’obligation 1ère est d’assurer leur sécurité.
    La responsabilité politique est donc le fait pour un gouvernement d’assumer les conséquences de ses actions (en l’espèce, de ses inactions…) et en cas d’échec DE DEMMISSIONNER!
    Ama ces « impuissants » qui nous gouvernent passent leur temps à parader et blablater comme si de rien n’était, ma3albelhomch!!!! Chay y wa9ef lmo5. W cha3b bidou kima anesthésié: nektbou fi fb ama m5alinhom 3la ra7ethom…Il y a 2 ans, après l’assassinat de M.Brahmi, c’était déjà Romdhnan et on n’avait pas à hésiter à squatter la place du Bardo pour que les choses bougent…alors une question s’impose: est-ce que par principe tout doit être pardonné à nidaa ou est-ce le fait qu’il n’y ait aucune victime tunisienne qui nous conforte à demeurer dans le rôle de simples spectateurs, certes critiques, d’un désastre sécuritaire?…Le Mirror.UK d’hier (en date du 01/07) barrait sa une avec le titre suivant: « Tunisia attack: maniac Seifedine Rezgui ran amonk for 47 MINUTES before police arrived to stop him »…L’article commence ainsi: « the schocking delays in the reponse to the massacre meant the IS murderer was free to go back and finish off injured Brits… »: TOUT EST DIT!!!!≫

  2. A reblogué ceci sur Raimanetet a ajouté:
    partout ailleurs, c’ est du pareil au même … il n’ y a aucune raison pour qu’ il en soit autrement, les hommes de pouvoir, de police,sont ainsi … ils attisent volontairement les racines du terrorisme, c’ est la servitude

  3. Le délabrement est à son comble…L’Etat est d’une faiblesse jamais vue…La police est fragmentée , instrumentalisée , la grande muette est désorientée , ballotée….La Tunisie a une chance , celle d’avoir une administration qui tient le coup , qui continue cahin caha à « faire marcher la baraque » , mais jusqu’à quand çà va durer …..On ne peut pas gérer un pays qui a 5 ou 6 ENORMES problemes par un gouvernement de « petits » …Après les grands Lamine Chebbi , Mahmoud Messaadi , Ahmed Ben Salah et Mohamed Charfi , regardez le « tout petit » à qui on a confié le Ministère de l’Education , 100 fois plus grand que lui ….Un gouvernement avec le premier des Ministres qui n’a JAMAIS FAIT DE POLITIQUE DANS SA VIE , et des ministres dont l’écrasante majorité N’A JAMAIS RIEN GERE DU TOUT !..Et un Président de la Republique dont tout confirme que son principal souci depuis son retour aux affaires en 2011 est de finir sa carrière et sa vie au Palais de Carthage , pour « faire comme Bourguiba » ……Le prix en a été :1- Fagocyter son propre parti 2- laisser une large part du pôuvoir à ghanouchi et son parti ?? oui , et Caied Sebsi a consenti à le payer !….Mais le pire , c’est aujourd’hui La Tunisie avec un avenir sombre ….Le pays trouvera -t-il en son sein les forces capables du sursaut salvateur ??

    • Si Salah, ce que vous dites est vrai, notamment pour les hommes, mais vous oubliez le contexte historique, les grands que vous citez ont travaillé avec des chefs, Bourguiba d’abord puis, il faut finir par le reconnaître, Ben Ali après, qui tenaient le pays d’une main de fer et qui n’ont jamais toléré qu’il y ait un Etat dans l’Etat. Je suis de nature optimiste mais je suis réaliste aussi: l’avenir de
      la Tunisie me semble incertain. Cet extrait d’un article que j’ai écrit juste avant les élections de 2004 et qui me semble convenir à notre situation actuelle.
      ، و هو نظام يذكّر في كثير من ملامحه بنظام  » التخليط و الإضاعة » ـ بتعبير المرادي القيرواني، أحد حكماء القرن الثاني عشر ـ الذي عرفته تونس قُبيل انتصاب الحماية، و الذي صوّره محمد بيرم الخامس في السّطور التالية:  » فلو رأيت ما عليه القرار، لملئت رعبًا و لولّيت منه الفرار، من ذئاب تغتال و ثعالب تحتال، مجتهدة في قلب الرّحال و تشتيت الرّجال، و ثعبان شاغر فاه لابتلاع الأموال. فيالها من حال يرثي لها من رام النزال و تخرّ بشدّتها شامخات الجبال، افتضحت فيها ربّات الحجال، و هوت الإيالة إلى الزوال و تمكن من القلوب الزلزال و تقاربت الأجيال و انقطعت الآمال و عُدّ الصلاح من المحال ».
      Nous nous sommes rencontrés une fois, à Paris en septembre 1996, à la conférence organisée par certaines organisations de droits humains lors de l’affaire Mouada-Chamari
      Cordialement
      Ahmed Manai

  4. Faut-il toujours rectifier qu’il ne s’agit pas d’incompétence ou d’inefficacité de la part des dirigeants d’ennahda mais plutôt d’une volonté farouche et d’un projet diabolique visant à détruire l’économie et l’Etat tunisiens. Au contraire, ces dirigeants sont efficaces et savent quoi et comment faire pour atteindre leurs objectifs. La preuve, malgré les dégâts et les crimes sans nombre, nahda est encore et en force au pouvoir. N’importe quel autre parti, s’il a commis seulement une part infime de ce qui est commis par nahda, aurait disparu de la scène politique. Par définition, l’efficacité est le fait d’attendre les objectifs escomptés.

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