
Alain Finkielkraut
« Dehors, dehoooooooors ! »
Finkielkraut à la Sorbonne, ou le Sacre de l’obscurantisme distingué
par Souad Betka
31 janvier 2016
Lorsqu’une prestigieuse université (la Sorbonne, à Paris) invite un maître-penseur médiatique devenu académicien, et qu’une doctorante en philosophie de ladite prestigieuse Université s’autorise à l’interpeller sur ses manquements à l’éthique intellectuelle, que pensez-vous qu’il advient ? Un indice : la doctorante est par ailleurs musulmane, et nous en sommes en France, en 2016.
Le Grand Amphithéâtre de La Sorbonne était rempli de têtes bien blanches pour le forum de la philosophie organisé par France-culture. La foule s’était déplacée en grand nombre, mais nulle inquiétude pour Alain Finkielkraut : son public, contrairement à l’équipe de France de football black-black-black qui lui faisait « honte », était à l’image de la France, la vraie. Au programme, un débat prometteur intitulé :
« Qu’est-ce qu’être français ? ».
Voilà que notre philosophe médiatique préféré commence à déballer son bla-bla habituel. Ils applaudissent. Ils applaudissent encore. À chacune de ses interventions, ils applaudissent. Ils applaudissent même lorsque, sur le ton de la confidence, notre invité vedette explique qu’il s’est senti français pour la première fois en 1989, lors de la première affaire du voile à l’école. Notre culture valorise le féminin, se dit-il face à cette altérité radicale. À ce moment je ne peux m’empêcher de penser : quelle magnifique illustration du propos d’Edward Said dans L’Orientalisme : Le Nous ne peut se définir qu’en opposition à l’Autre – le monde musulman en l’occurrence, et la femme musulmane en particulier. La définition de l’altérité précède celle de l’identité, elle en est la condition nécessaire et suffisante. Etre français, c’est ne pas être un « musulman visible ». Être français, c’est être tout ce qu’une femme musulmane n’est pas.
Arrive enfin le temps des questions. Trois ou quatre seulement, parce que Monsieur Finkielkraut a déjà beaucoup parlé, bien plus que ses deux interlocuteurs. On me fait l’honneur de me laisser poser la dernière question. Pour commencer, je souligne qu’il était assez intéressant de constater que notre académicien a défini « l’être-français » par la négative : être français, c’est ne pas être une femme musulmane voilée. Je souligne aussi qu’il met en avant une conception de la féminité très normative, occidentale et blanche. Enfin, je vais à l’essentiel :
« Je voudrais saluer la sagesse des organisateurs parce qu’il est effectivement très judicieux, dans un climat si nauséabond que le climat actuel, d’inviter pour nous parler de ce que signifie être français, une personnalité médiatique islamophobe et raciste. »
L’applaudimètre m’avait déjà indiqué que je ne ferais certainement pas l’unanimité, mais je ne m’attendais pas, pour autant, à un tel lynchage collectif. J’avais ouvert une boîte de Pandore, et sous les huées de la salle, les commentaires et insultes fusaient de tous côtés :
« C’est honteux ! »
« Dehors, Dehoooooooors ! »
« Vous devriez avoir honte ! »
« C’est dommage, vous aviez bien commencé. »
« C’est scandaleux ! ».
Un homme hystérique m’interpelle à nouveau :
« Dehors, Dehoooooooors ! »
Je lui rappelle calmement que je suis doctorante à La Sorbonne et que je suis donc ici chez moi.
Des insultes, de la colère, de la haine et du mépris. Du racisme.
Alain Finkielkraut décide de « quand même » me répondre. Il souligne la haine (imaginée, fantasmée) de mon propos sans rien dire de la violence des réactions que ledit propos a suscitées. Puis, comme tout raciste qui se respecte, il montre patte blanche en jouant la carte de l’ami arabe : il ne peut tout bonnement pas être islamophobe puisque des musulmans (des vrais !) comme Fethi Benslama ont des positions similaires aux siennes. Il aurait tout autant pu dire qu’il ne pouvait pas être raciste puisqu’il aimait le couscous, le thé à la menthe et les pâtisseries orientales.
Au passage, il règle ses différends avec la jeune professeure d’anglais qui l’a brillamment interpellé lors d’une émission télévisée. Ce n’est pas une islamiste, précise-t-il, mais elle a participé à une marche dans laquelle les manifestants criaient « ta race ! » chaque fois que son prénom était mentionné – et bien oui j’ai rigolé, le Finkielkraut peut être drôle. Il ajoute qu’il n’ose même pas imaginer ce que la professeure a pu dire à ses élèves au lendemain des attentats de janvier et de novembre… De la dénonciation de l’islamophobie de Finkie au soutien au terrorisme, il n’y a visiblement qu’un pas.
Cette réponse marque la fin du débat, mais je ne suis pourtant pas au bout de mes surprises. À deux mètres de moi, une sexagénaire indignée s’improvise star du moment et, entourée d’autres sexagénaires, commence une sorte de conférence de presse. Entre deux propos débiles, elle a ce mot magnifique :
« Oui, oui, c’est du terrorisme. »
La boucle est bouclée.
En bonne masochiste que je suis, je reste à ma place pour permettre aux gens de venir m’insulter :
« – C’est honteux, vous l’avez insulté !
– Non, dire d’Alain Finkielkraut qu’il est raciste et islamophobe, c’est…une description !
– Vous avez dit qu’il était nauséabond ! »
Je souris :
« Non Monsieur, j’ai dit que le climat actuel était nauséabond. »
Alors que je m’apprête à partir, une femme m’interpelle pour m’expliquer qu’Alain Finkielkraut n’est pas raciste. Mieux que le Jamel Comedy club, les fans de Finkielkraut :
« Mais quand même, avec Daesh, il est légitime de s’opposer au voile islamique. »
En partant, je lui dis qu’il est affligeant de voir la rapidité avec laquelle elle fait des amalgames, et que dans un forum de philosophie, élever le niveau de la discussion et du débat ne serait pas du luxe.
Cela pourrait n’être qu’une histoire drôle à se raconter entre amis : L’histoire de l’indigène qui avait été huée par les fankielkrauts. Mais c’est un peu plus : une bien triste illlustration, parmi beaucoup d’autres, de la fascisation de la France, et de la libération de la parole islamophobe. Le plus regrettable, sans doute, c’est que nous n’étions pas dans un meeting du Front national : c’est l’Université Paris-Sorbonne qui a donné une plateforme privilégiée au racisme et à l’islamophobie que professe Alain Finkielkraut, et c’est une doctorante de cette même université qui en a fait les frais. Je donnerai donc le mot de la fin à Wiam Berhouma :
« Taisez vous Monsieur Finkielkraut, pour le bien de la France, taisez-vous. »
Mais j’invite aussi les institutions publiques et les grands médias à la responsabilité. Cessez-donc de lui tendre des micros, aidez-nous à le faire taire.
Souad Betka
31 janvier 2016
« Je voudrais… … dans un climat si nauséabond que le climat actuel, d’inviter pour nous parler de ce que signifie être français, une personnalité médiatique islamophobe et raciste. »
Cette phrase, comme votre article sur le philosophe qui « déballe son bla-bla habituel » est une insulte. Une insulte à l’intelligence, non pas seulement l’intelligence de l’invité mais celle de chacun. Et elle constitue une contribution majeure à ce « climat si nauséabond » que vous réprouvez. La violence de vos propos vous échappe probablement et c’est dommage. Qualifier Finkielkraut de raciste et d’islamophobe prouve que vous n’avez rien lu de lui, ou pire, que vous n’avez rien compris de ces livres. Si vos opinions sont aussi tranchées et le discours de Finkielkraut vous blesse autant, vous devriez déposez plainte. La justice décidera si elle est recevable. Mais vous n’oserez jamais, car vous savez que vous allez vous rendre ridicule. En revanche, le buzz médiatique c’est réellement payant. Insulter un académicien français en public c’est tellement plus facile. Deux minutes de parole haineuse, contre 40 ans d’érudition pour une gloire éphémère auprès de certains individus qui n’ont rien à faire des traditions culturelles et sociétales en France. Un peu d’humilité devrait vous faire le plus grand bien.
Votre commentaire quant a lui, prouve que soit vous aussi n’avez pas lu Finkie (car le lire et ne pas voir le racisme suintant de ses lignes est impossible), soit vous etes du meme avis que lui et l’islamophobie pour est qq chose de normal.
L’erudition devient qq chose de tout a fait subjectif quand je lis que Finkie a « 40 d’erudition derriere lui ». Les paroles haineuses sont celles dont afflige Finkie a chacune de ses sorties, et non la simple decription qu’en a faite l’auteure. Personnellement je considere Finkie comme les petits journaleux deblaterants leurs haine du juif dans le « Je suis Partout » des annees d’occupation. Ce qui est honteux n’est pas que l’auteure ai si justement decrit Finkie (et le fait qu’elle soit d’origine maghrebine ait enflamme votre reponse, denotte un certain racisme que je suis sur vous ne prendriez meme plus la peine de nier aujourdhui), la honte reside plutot dans le fait que ce philosophe de playmobil soit entre a l’acamie francaise.
Un peu d’humilité donc, mais de SILENCE surtout, devrait vous et nous faire le plus grand bien.
A reblogué ceci sur Boycott.
On comprend mieux maintenant le sens de « Je suis Charlie ».
Chez certains, cela veut dire : « Je suis un beauf réac, et j’en suis fier. »
Le pire, c’est que cela ne se passe pas dans un obscur bistro de banlieue, mais à la Sorbonne, un lieu de Savoir, au milieu de doctorants.
Il n’y a pas si longtemps, nous avions beaucoup ri lorsqu’un cheikh affirmait, dans une université des Émirats, que la Terre ne tourne pas autour du soleil.
Pourquoi ? Parce qu’il s’agissait d’un discours obscurantiste visible, même pour un imbécile.
À tel point que c’est son propre auditoire qui, après l’avoir filmé à son insu, avait mis la vidéo en ligne…. histoire de le punir de les avoir pris pour des imbéciles.
Le cheikh Finkielkraut, lui, nous fait moins rire avec ses propos racistes.
Pourquoi ? Pas seulement parce que son discours fascisant est aussi visible et ridicule que celui d’un obscur cheikh obscurantiste.
Mais parce que son auditoire, constitué de doctorants et de doctorantes, est plus con que celui de nos jeunes étudiants Émiratis.
Et cela ne présage rien de bon pour l’avenir de notre démocratie, déjà malmenée par l’État d’urgence et menacée par le F-Haine.
Il y a des symboles qui, lorsqu’ils sont contaminés par la bêtise, annoncent le pire. L’académie française et la Sorbonne en sont un.
Bonjour, je me permet un petit commentaire parce que j’ai été étudiant de M.Finkielkraut et que je garde le souvenir d’un homme plutot curieux et ouvert, en aucun cas raciste ou islamophobe. Etant moi meme musulman je puis le dire assez honnetement, meme si je suis loin de partager toutes les opinions de Finkielkraut. Qu’on lui reproche de sur-interpréter des faits, je le concois, mais n’est-ce pas la le défaut partagé de tous les essayistes? Qu’on lui reproche d’en revenir souvent aux memes themes, je suis d’accord aussi. Mais le traiter de raciste et d’islamophobe, c’est de la provocation, c’est insultant, et surtout, c’est faux.
J’ai fait de mon mieux pour tempérer mon message, mais je dois dire que le mauvais esprit de cet article ne fait pas honneur a l’ethique intellectuelle qu’il prétend défendre.
Mais non mais non ! je ne suis pas raciste ! j’ai des disques de Josephine Baker chez moi (les arguments a la Finkie, et ses suppots-alibis: boualem sansal, fethi ben slama, mohamed sifaoui …)
Enquête exclusive :
https://lequichotte.wordpress.com/