De nouveau, la violence s’invite dans les campagnes électorales
AfricanManager
Aboussaoud Hmidi
14-09-2014-
Ce qui se passe depuis mercredi 10 septembre à Douz est symptomatique d’un risque d’introduire la violence dans les campagnes électorales, législatives et présidentielles. On en a déjà vu dans la campagne d’octobre 2011. En fait, pour qu’un
Tunis : De nouveau, la violence s’invite dans les campagnes électorales
AfricanManager
Aboussaoud Hmidi
14-09-2014-
Ce qui se passe depuis mercredi 10 septembre à Douz est symptomatique d’un risque d’introduire la violence dans les campagnes électorales, législatives et présidentielles. On en a déjà vu dans la campagne d’octobre 2011. En fait, pour qu’un peuple vote pour les députés qu’on a vus et entendus en live pendant 3 ans, il faut remplir deux « conditions », de gros mensonges et une forte dose de violence. Les premiers cités portent sur des idées maîtresses du genre que l’histoire du pays a été faite, pendant les 50 ans de l’Indépendance, de répression et de corruption, qu’une Constituante est nécessaire pour élaborer une nouvelle loi fondamentale qui définira les institutions de la nouvelle République, que la Tunisie a vécu une révolution, et que les Islamistes et leurs alliés le CPR et Attakattol en sont les principaux artisans et que leurs candidats sont des gens propres et qui craignent Dieu. Parallèlement, la dose de violence, c’est un expédient pour intimider l’électeur-citoyen et lui faire perdre les repères politiques, historiques et humains censés l’aider à mieux choisir ses représentants et le cap politique qui sortira le pays de sa crise.
Les mensonges ont été distillés par les islamistes et leurs alliés, mais aussi par une certaine gauche (et surtout la gauche extrême) qui s’est détournée de ses acquis réels, à savoir l’Etat moderne et le projet de société progressiste dont s’est dotée la Tunisie depuis son indépendance, pour se rabattre, comme d’habitude, sur des acquis fallacieux : une chimère de révolution qui s’est révélée une pure machination mondiale d’essence islamiste, aboutissant, à la fin, à traiter les adeptes de l’extrême-gauche comme des mécréants et des epsilons politiques (des zéros virgule).
Durant la campagne électorale de 2011, la violence a été essentiellement le fait d’Ennahdha et de ses alliés islamistes qui étaient appuyés, comme d’habitude, par le CPR et accessoirement par Ettakattol. On se rappelle de la Kasbah 3, au cours de laquelle le parti islamiste a fait un coup de force dans la capitale (le 15 juillet 2011) et créé une atmosphère de confusion et de violence qui a permis, le lendemain (le 16 juillet2011), aux salafistes de s’attaquer sauvagement aux policiers qui se trouvaient aux postes de police de Menzel Bourguiba et à s’emparer des armes qui y étaient stockées. Mais on ne doit pas oublier l’agression des intellectuels lors de la projection du film de Nadia Al Fani, ni les attaques contre la chaîne Nessma et le domicile de son directeur, après la diffusion du téléfilm en dessin animé Persépolis. Mais le paroxysme de la violence a été atteint lorsque Rached Ghannouchi a déclaré à la veille du scrutin qu’en cas de fraude, Ennahdha descendra dans la rue. Le message chargé de menaces et de violence a été reçu par toutes les parties, ISIE comprise, et les résultats étaient conformes aux vœux de Ghannouchi et de son parti.
L’extrême-gauche a également pu avoir, au cours de la même période, sa kermesse de violence à Siliana pour imposer l’adoption de l’article 15 du décret-loi empêchant les Rcédistes de se présenter aux élections d’octobre 2011 et a parrainé plusieurs affrontements entachés de violence auxquels elle a cherché à attribuer à tort un caractère de classe (à Jébeniana , Metlaoui et Kasserine), dans une logique d’entretien de la flamme révolutionnaire du peuple tunisien jusqu’à la réalisation des objectifs de la révolution.
Ces illusions se sont heureusement vite évanouies chez l’extrême-gauche, et on ne peut que s’en réjouir. D’ailleurs, personne dans ses rangs ne rappelle, aujourd’hui, ces évènements pour s’en enorgueillir et le comportement des tenants de ces courants, indique qu’ils ont abandonné leurs chimères et la tentation de la violence qui va avec, pour se concentrer sur des thèmes plus terre-à-terre qui intéressent plus concrètement le citoyen-électeur. Mais du côté des islamistes les choses n’ont pas l’air de changer.
Pour ce qui est des grands mensonges, Ennahdha et ses satellites doivent savoir qu’ils ne passent plus, et personne à part ses inconditionnels invétérés, n’est pas prêt à les admettre. La thèse selon laquelle il y a un complot égypto-saoudo-émirati contre la révolution tunisienne ne convainc plus. La version qui présente le terrorisme comme une machination montée par les anciens du régime de Ben Ali en connivence avec des services de renseignement régionaux pour faire échouer le projet islamiste et renverser un gouvernement légitime, n’a plus d’adeptes dans le pays. Les appels de détresse sur un islam en danger en Tunisie l’opinion publique ne leur prête aucun intérêt. Et même la relecture que les médias islamistes (Al Fajr, Adhamir pour la presse écrite, Achahed pour la presse électronique Azzaytouna, Al Moutawasset pour les chaînes de télévision) font de l’histoire de la Tunisie et de l’actualité, n’a plus d’oreilles parmi les Tunisiens sensés. Le bilan négatif de la troïka et sa gestion calamiteuse des affaires de l’Etat ne risquent pas d’être cités comme points forts dans les prochaines campagnes.
Que restera-t-il donc aux islamistes pour gagner les scrutins à venir. Il y a encore la manœuvre et la diversion, comme c’est le cas pour le président consensuel ou l’encouragement à multiplier les listes électorales surtout dans les circonscriptions où Ennahdha a une faible audience (à titre d’exemple, 81 listes se sont présentées aux législatives à Gafsa et il en est resté une soixantaine).Mais il y a aussi la violence pour dérouter l’électeur et peut-être le détourner du scrutin.
Donc, les évènements de Douz peuvent être expliqués de deux manières : soit ils sont pris pour un cas isolé, bien qu’ils aient été, au cours de la même semaine, corroborés par d’autres presque de même nature à Jendouba visant le cortège électoral de Mongi Rahoui, soulignant dans cette logique une tendance qui réédite ce qui s’est passé en octobre 2011. Ou bien, la mouvance islamique, constatant que les temps ne sont plus aux convulsions révolutionnaires qui justifient la violence, et que l’extrême-gauche, qui lui servait à l’époque de couverture politique, n’est plus tentée par cette expérience, car elle n’a plus d’objectifs à réaliser en dehors du processus électoral, et ce faisant, les islamistes s’aperçoivent du risque de faire cavalier seul sur le chemin de la violence et seront alors définitivement isolés, et systématiquement stigmatisés par la classe politique et l’opinion publique réunies.
Aboussaoud Hmidi