
Ghannouchi: « A quoi bon rester dans une maison qui s’écroule sur vous ? »
Le chef de file du parti islamiste tunisien Ennahda défend le bilan du gouvernement sortant Rached Ghannouchi est le président du parti islamiste tunisien Ennahda, qui a abandonné la gestion du gouvernement qu’il dirigeait depuis les élections d’octobre 2011.
Trois ans après la chute de l’ancien régime, Ennahda quitte le gouvernement qu’il dirigeait. Comment l’avez-vous expliqué aux militants ?
« Vous quittez le gouvernement, vous n’êtes pas battus, vous sortez par la grande porte. A quoi bon rester dans une maison qui s’écroule sur vous? » C’était le cas à partir du moment où notre présence empêchait la rédaction d’une Constitution avec une opposition qui boycottait les travaux de l’Assemblée. Nous ne pouvions pas écrire une Constitution tout seuls. Ou plutôt, nous aurions pu le faire, mais nous nous serions trouvés dans une situation à l’égyptienne. Nous ne voulions pas cela. Il nous fallait choisir : ou nous réussissions le processus démocratique, ou nous restions au gouvernement. Nous l’avons quitté de notre propre volonté, par choix éthique. Le 5 octobre 2013, nous avons signé une feuille de route en ce sens et cela n’a pas été facile. Je l’ai prise [cette décision] sous ma propre responsabilité avec un certain nombre de frères. Nous n’avons pas perdu des élections, nous faisons un sacrifice dans l’intérêt du pays.
Comment concevez-vous maintenant le rôle d’Ennahda ? Comme un parti d’opposition?
On ne peut plus parler d’opposition ou de parti au pouvoir. C’est une situation nouvelle avec la mise en place d’un gouvernement consensuel et neutre. Ce gouvernement sera soutenu par ceux qui étaient encore récemment au pouvoir et par l’opposition. Il ne représentera ni les uns ni les autres.
Après deux ans d’exercice du pouvoir, quels échecs êtes-vous prêts à reconnaître?
L’intérieur du pays connaît encore aujourd’hui des troubles sociaux… Tous les problèmes sont arrivés la deuxième année car la transition a duré trop longtemps. Dès le départ, nous avons commis cette erreur de penser que nous pouvions tout faire en un an, alors que l’Assemblée ne s’est pas seulement occupée de la Constitution. Il aurait peut-être fallu que l’Assemblée se concentre sur la Constitution et que le gouvernement gère le pays avec des décrets. Sur le plan social, quand nous avons pris le gouvernement, la croissance était négative, –2 %, alors qu’elle est aujourd’hui de 3,5 %. Les budgets alloués au développement n’ont été parfois dépensés qu’à hauteur de 20 % à 30 %. Nous aurions dû nous comporter de façon plus révolutionnaire en réformant la bureaucratie héritée de l’ancien régime.
On vous accuse aussi d’avoir été complaisants avec des salafistes.
Ces six derniers mois, il y a eu une amélioration de la situation sécuritaire. Mais il aurait peut-être fallu, dès le départ, nous montrer un peu plus fermes. Nous avons une expérience trop récente du pouvoir. Au début, ces extrémistes ne pratiquaient pas la violence, alors nous avons cherché à discuter, à faire en sorte qu’ils rentrent dans un cadre légal comme cela a été le cas pour deux partis salafistes, mais d’autres se sont orientés vers la violence et le gouvernement [sortant] les a classés comme organisation terroriste. C’est une question qui s’est développée.
La Constitution, en cours d’adoption, garantit la liberté de conscience, l’égalité entre citoyens et citoyennes… Vous êtes l’antithèse des Frères musulmans égyptiens?
Chaque pays a sa propre expérience. Nous avons exporté la révolution pacifique mais nous ne voulons pas importer la contre-révolution égyptienne violente. Et nous sommes fiers de cette Constitution qui marie un islam modéré et des valeurs universelles. C’est le modèle tunisien. Nous avons vu que l’inscription de la charia n’aidait pas cette Constitution, car le mot n’est pas clair dans les esprits, or une Constitution ne doit comporter que ce qui est clair et commun à tous. Nous voulons que les musulmans se sentent vivre dans un monde ouvert sur le monde. C’est l’ambition des islamistes réformistes tunisiens depuis le XIXe siècle. Si la réussite de ce modèle nécessite des concessions, nous le faisons. Certaines dispositions que vous évoquez ont été adoptées à une grande majorité. Il nous reste quelques points en cours d’examen car nous cherchons une mixité entre pouvoirs présidentiel et parlementaire. Nous pensons que plus un pouvoir est décentralisé, mieux c’est, pour ne pas revenir au despotisme, ni entre les mains d’Ennahda ni dans d’autres mains !
Contraint au départ, Ennahda retourne la situation à son avantage. Mais comment envisagez-vous les prochaines élections?
Il n’y a pas de magie dans cette histoire ni d’endormissement magnétique. Les gens sont attachés aux valeurs éthiques, ils ont besoin d’apaisement et ils détestent cette compétition acharnée autour du pouvoir. Ils pourront comparer et ils comprendront qu’il y a des problèmes structurels dans le pays. Il nous suffit d’avoir sauvegardé l’Etat, les services publics, et surtout la liberté. Nous avons mis le pays sur les rails de la démocratisation, nous avons une commission électorale, une Constitution bien avancée, une instance indépendante pour les médias, une commission de lutte contre la torture, une autre pour la justice transitionnelle. Nous avons traduit en institutions les premières valeurs de la révolution. Nous souhaitons que les prochaines élections, législatives et présidentielle, aient lieu entre juin et août 2014. Plus cette échéance sera longue, plus ce sera dangereux. C’est ce que nous tirons de notre expérience: les périodes de transition doivent être les plus courtes possibles.
Propos recueillis par Isabelle Mandraud, journal Le Monde du 15 janvier 2014
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si, cela a du bon de rester dans une maison qui s’écroule sur vous: cela nous débarrasserait de tant de vermines….