
Égypte: Les Frères attendent la justice divine au Caire
Reportage Égypte. Affaiblis par la répression de l’armée, les pro-Morsi étaient peu nombreux à manifester, vendredi. Les partisans du président destitué, Mohamed Morsi, et des Frères musulmans avaient décidé d’un nouveau « Vendredi des Martyrs » en Égypte, appelant des « millions » de fidèles à manifester à la sortie des mosquées.
Mais seuls quelques milliers d’entre eux ont répondu à l’appel, après la sanglante répression et les arrestations qui les ont frappés et désorganisés depuis la mi-août. Djellaba. Sortie de la mosquée El Istiqama, dans le quartier de Gizeh. 13 h 15. Entre 350 et 400 personnes sous un échangeur routier. « Notre sang n’a pas coulé en vain », hurle un type debout sur une palette.
La foule reprend : « Notre sang a un prix. » Les forces de police, situées à 500 mètres près de l’ambassade de France, tournent le dos à la manifestation. « On reste statiques, car sinon l’armée va nous tirer dessus », explique Mohamed, qui était à la prière du vendredi. « L’imam a répété que les criminels n’échapperont pas à la justice divine », assure-t-il. Ce comptable de 40 ans dit avoir bien saisi que c’était « l’armée qui était visée dans le prêche. Comment le comprendre autrement ?»
Un homme en djellaba se présentant comme professeur dans une école coranique pense, au contraire, que les services secrets « ont exfiltrés » le prêcheur habituel :« L’imam a raccourci la prière de vingt-cinq minutes. C’est incroyable ! C’est du jamais-vu ! On savait que les services secrets étaient capables de tout, mais changer d’imam et le remplacer par un type qui expédie la prière, ça c’est du jamais-vu », explique-t-il, en colère. Il en conclut « que le pouvoir, après avoir massacré et emprisonné les Frères », pèserait de tout son poids « pour éviter que l’on se rende à la mosquée ».
Quartier de Nasr City, sortie de la mosquée Salam. Foule impressionnante. Femmes, jeunes filles, barbus, gens en costume s’engagent sur le boulevard Abbas al Akkad vers l’ancien camp de Rabaa, théâtre du massacre du 15 août. « Je n’ai pas peur de mourir », déclare Hicham, un ingénieur de 55 ans. Prudent, il s’est placé en queue de manifestation. Blindés. Deux kilomètres plus loin, le cortège se disloque : l’armée est positionnée et les blindés ferment l’accès au camp de Rabaa.
Quartier d’Abbassia. Le parvis de l’imposante mosquée Nour est désert. Al-Jazeera donne pourtant en direct des nouvelles de la manifestation qui grossirait. Sur place, rien. Des gens s’engueulent pour monter dans un taxi collectif. Il est 17 heures. Dans deux heures, Le Caire va se coucher et le couvre-feu reprendre ses droits.
Envoyé spécial au Caire Jean-Louis Le Touzet (Libération du 24 août 2013)