Accusé de complaisance, le gouvernement augmente depuis peu la pression sur le groupe Ansar al-Charia.
Départs en Syrie, prosélytisme… Les bras de fer se multiplient et n’en finissent plus de se durcir entre les jihadistes du groupe Ansar al-Charia et le gouvernement tunisien, dominé par les islamistes d’Ennahda. Longtemps silencieux sur le jihad en Syrie, Ennahda a fini par prendre ses distances: « Notre appui à la résistance syrienne est moral et politique, non combattant », a clarifié, mi-mars, son président, Rached Ghannouchi. Soupçonné d’en être le principal pourvoyeur, Ansar al-Charia lance désormais des appels à rester en Tunisie.
Dernier épisode de cette confrontation larvée: c’est autour des réunions publiques de la mouvance jihadiste que se cristallisent les tensions, sur fond d’escalade de la violence. Depuis fin avril, seize militaires et gendarmes ont été blessés par des mines artisanales, alors qu’ils poursuivaient des hommes armés sur le mont Chaambi, à la frontière de l’Algérie. Depuis plusieurs mois, les forces de sécurité échouent à attraper ces hommes, liés à Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi), selon les autorités, qui évoquent des connexions avec Ansar al-Charia.
Le mouvement salafiste nie toute implication alors qu’aucun lien organique n’a été révélé. Mais opposition et société civile ont de nouveau pointé le « laxisme » du gouvernement, accusé d’avoir laissé prospérer la mouvance radicale, ses actions de prédication et de charité, les squats de mosquées ou les appels à la violence… Déroutées, habituées au tout-répressif, les forces de police, qui poussent depuis des mois à un tour de vis sécuritaire, sont aussi revenues à la charge.
Résultat : dans plusieurs villes, les tentes de prédication, tolérées depuis un an, ont été délogées, parfois par la force. Désormais, a fait savoir le ministère de l’Intérieur, « les activités liées au prosélytisme doivent requérir une autorisation préalable ». En riposte, les jihadistes ont multiplié les réunions publiques et durci leurs discours. Leur leader en cavale, Abou Iyadh, a publié un communiqué à la tonalité très guerrière : « Sachez que vous êtes en train de commettre des absurdités », présageant d’une accélération de la bataille.
« Le soutien des Etats-Unis, de l’Occident, de l’Algérie, de la Turquie et du Qatar ne vous servira à rien si les épées sont aiguisées.» La partie se concentre maintenant sur la tenue du troisième meeting annuel d’Ansar al- Charia, prévu dimanche à Kairouan (centre). « Le gouvernement a décidé d’interdire ce congrès, dont les organisateurs n’ont pas obtenu d’autorisation préalable », a lancé mercredi Rached Ghannouchi. L’interdiction n’a pas été confirmée par le ministère de l’Intérieur, qui examinerait une demande déposée par le biais d’une association religieuse locale. « Nous ne demandons pas l’autorisation du gouvernement pour prêcher la parole de Dieu et le mettons en garde contre toute intervention de la police pour empêcher la tenue du congrès», a lancé hier Seifeddine Raïs, porte-parole d’Ansar al-Charia.
Élodie Auffray pour Libé. (à Tunis)